Dette, climat, justice: l’Afrique lance un appel mondial pour une réforme urgente du système financier
Addis-Abeba, 14 février 2025 : À l’occasion du Sommet de l’Union africaine (UA) 2025, des experts africains ont appelé à une réforme urgente du système financier mondial, jugé obsolète et inéquitable. Lors d’une conférence de presse organisée par l’Africa Forum and Network on Debt and Development (AFRODAD), les intervenants ont souligné la nécessité de promouvoir la justice et les réparations pour l’Afrique, en particulier dans un contexte géopolitique en pleine mutation.
Un système financier mondial inadapté
Yvonne Okwara, présentatrice principale chez Citizen Television, a introduit la discussion en rappelant que le système financier mondial actuel, conçu au début du XXe siècle, ne répond plus aux besoins des pays africains. « Les coûts d’emprunt excessifs et l’accès restreint au capital sont des obstacles majeurs au développement du continent », a-t-elle déclaré. Elle a également souligné l’importance de cette réforme dans un contexte où les pays africains subissent de plein fouet les conséquences du changement climatique, bien qu’ils y aient peu contribué.
L’Afrique face à une crise de la dette
Serah Makka, directrice exécutive pour l’Afrique de l’ONG One Campaign, a insisté sur l’urgence de la situation. « 25 pays africains dépensent plus pour rembourser leur dette que pour financer la santé et l’éducation réunies », a-t-elle révélé. Elle a également pointé du doigt les inégalités du système actuel : « Les pays africains paient jusqu’à 500 % de plus que d’autres nations pour accéder aux marchés financiers, malgré des notations de crédit similaires. »
Makka a appelé à une réforme en profondeur des institutions financières internationales, telles que le FMI et la Banque mondiale, qui ont été créées avant l’indépendance de la plupart des pays africains. « Ces institutions ne reflètent pas les réalités actuelles et pénalisent activement le développement de l’Afrique », a-t-elle ajouté.
Justice réparatrice et annulation de la dette
Adrian Chikowore, conseiller principal pour l’Afrique chez Christian Aid, a lié la réforme du système financier mondial à la justice réparatrice. « Les héritages de l’esclavage, du colonialisme et du néocolonialisme continuent de peser sur les économies africaines », a-t-il expliqué. Il a plaidé pour l’annulation de la dette et la réforme des institutions financières internationales, dominées par les pays du Nord. « Les pays africains ont moins de 10 % des voix au sein du FMI et de la Banque mondiale. Cette marginalisation doit cesser. »
Chikowore a également souligné l’importance du financement climatique. « Les pays africains subissent les effets du changement climatique sans en être responsables. Le financement climatique doit être accordé sous forme de subventions, et non de prêts, pour permettre une transition juste. »
Vers une architecture financière plus démocratique
Dr. Yungong Theophilus Jong, responsable politique et plaidoyer à l’AFRODAD, a insisté sur la nécessité de réformer les structures mêmes du système financier mondial. « Les règles actuelles ont été établies par les anciens colonisateurs et ne reflètent pas les intérêts des pays africains », a-t-il déclaré. Il a appelé à une représentation équitable des pays africains dans les instances de décision, notamment à travers des processus multilatéraux comme ceux de l’ONU.
Dr. Jong a également évoqué les flux financiers illicites, qui privent l’Afrique de ressources essentielles. « Le rapport Mbeki a montré que des milliards de dollars quittent le continent chaque année. Ces fuites doivent être stoppées pour permettre un développement durable. »
Un appel à l’action collective
Les intervenants ont unanimement appelé à une position collective de l’Union africaine lors du sommet. « L’UA doit être un porte-voix fort pour exiger une réforme du système financier mondial et promouvoir la justice réparatrice », a conclu Serah Makka. Les experts ont également insisté sur le rôle crucial des médias pour sensibiliser le public et maintenir la pression sur les décideurs politiques.
Conclusion
Alors que le Sommet de l’Union africaine 2025 s’ouvre à Addis-Abeba, la réforme du système financier mondial apparaît comme une priorité absolue pour garantir un développement équitable et durable en Afrique. Les appels à la justice réparatrice et à l’annulation de la dette résonnent fortement, portés par des experts déterminés à transformer l’architecture financière mondiale en faveur des pays africains.
José Baituambo