Lomé 2025 : l’Afrique se dresse pour reprendre le contrôle de sa dette
Pour la première fois de son histoire, l’Union africaine consacre une conférence entièrement dédiée à la dette publique. Du 12 au 14 mai 2025, la capitale togolaise, Lomé, devient le théâtre d’un tournant majeur : poser les bases d’une gouvernance souveraine et durable de la dette africaine.
Un rendez-vous stratégique, un continent à l’unisson
Placée sous le thème « L’Agenda africain de gestion de la dette publique : restaurer et préserver la viabilité de la dette », cette conférence de haut niveau réunit plus de 500 participants : chefs d’État, ministres des Finances, gouverneurs de banques centrales, représentants du FMI, de la Banque mondiale, de la BAD, et figures de la société civile. Une configuration inédite, à la mesure de l’urgence : selon la Commission économique pour l’Afrique (CEA), plus de 20 pays du continent sont aujourd’hui en situation de surendettement ou à risque élevé.
Changer les règles du jeu
Pour Faure Gnassingbé, président du Conseil des ministres du Togo, cette rencontre marque un moment décisif : « La dette, utilisée de manière stratégique et responsable, doit servir le bien commun. » Il a invité les décideurs africains à repenser collectivement les règles mondiales de la dette, souvent dictées par des intérêts extérieurs.
Même ton engagé du côté de Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l’Union africaine. Dans son discours d’ouverture, il a insisté sur l’urgence d’« instaurer une gouvernance rigoureuse de la dette publique, adossée à une solidarité africaine forte et à un dialogue équilibré avec les créanciers internationaux. » Pour lui, la réponse doit être panafricaine, portée par des institutions plus fortes et des États plus coordonnés.

Des propositions concrètes pour un changement durable
Les discussions s’articulent autour de plusieurs priorités : réforme des cadres actuels de restructuration de la dette, financements innovants (obligations vertes, swaps dette-climat), renforcement de la transparence, lutte contre les flux financiers illicites. L’objectif est de renforcer la résilience budgétaire des États africains et de bâtir une réponse souveraine aux failles d’un système international trop souvent déséquilibré.
Vers une Déclaration de Lomé
Les travaux devraient aboutir à l’adoption d’un document politique majeur : la Déclaration de Lomé sur la dette africaine. Ce texte vise à poser les bases d’une position commune du continent, à la fois pour guider les futures négociations avec les créanciers et pour orienter les réformes internes. Il s’inscrit dans la continuité du Plan de Dakar pour le financement durable et des objectifs de l’Agenda 2063 de l’Union africaine.
AFRODAD, un combat qui prend tout son sens
Pour l’AFRODAD (African Forum and Network on Debt and Development), cette conférence représente un aboutissement, mais aussi un nouveau départ. Depuis plus de deux décennies, cette organisation panafricaine lutte pour une justice de la dette et une gouvernance financière responsable. Elle plaide pour un audit systémique de la dette, une transparence accrue des emprunts, et un cadre africain de résolution des crises d’endettement.
Son directeur exécutif, Jason Rosario Braganza, voit dans cette rencontre un moment crucial pour transformer des décennies de plaidoyer en engagements concrets. AFRODAD rappelle que la dette ne doit plus être un instrument de domination ou de dépendance, mais un outil au service du développement, défini et maîtrisé par les Africains eux-mêmes.
José Baituambo