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« Mon père est mort dans un hôpital sans médecins » : le cri des victimes africaines face à l’austérité du FMI

Pendant que les technocrates du FMI rédigent leurs recommandations à Washington, les Africains, eux, en vivent les conséquences, dans leur chair, dans leurs familles, dans leurs hôpitaux et leurs écoles.
C’est cette réalité, souvent ignorée, qui a été mise en lumière dès l’ouverture des travaux de la Commission d’enquête des peuples africains sur l’endettement et les politiques du FMI et de la Banque mondiale, le jeudi 19 juin 2025 à Lilongwe, au Malawi.

Portée par AFRODAD, avec le soutien de réseaux citoyens, de syndicats, d’ONG, d’économistes et de juristes venus de toute l’Afrique, cette Commission a entendu des témoignages déchirants, illustrant comment les politiques d’austérité imposées au nom de la stabilité macroéconomique ont, en réalité, sapé les fondements de la dignité humaine.

Parmi les voix qui ont marqué les travaux, celle de Gabriella Bissia a résonné avec une intensité particulière.
Venue témoigner en tant que citoyenne, femme et fille endeuillée, Gabriella a raconté comment la dette extérieure et les restrictions budgétaires ont détruit sa famille.

« Mon père est mort dans un hôpital public de la République Démocratique du Congo. Les médecins étaient en grève, les équipements vétustes, les médicaments introuvables. Il n’est pas mort de maladie, mais de négligence systémique causée par les coupes budgétaires. »

Son père, professeur d’université, est décédé en février 2019, dans une structure sanitaire paralysée par des années d’austérité liées aux Programmes d’ajustement structurel (PAS).

Quelques mois plus tard, Gabriella perdait sa grossesse, contrainte de travailler sans interruption, debout pendant des heures, sous peine de voir sa maigre prime supprimée. Pas de congé, pas de couverture sociale, pas de sécurité.

« J’ai perdu mon bébé parce qu’en RDC, une femme enceinte doit choisir entre sa santé et sa survie économique. »

Son histoire, loin d’être isolée, illustre une tendance structurelle dénoncée par la Commission.
En Afrique, les politiques dictées par le FMI et la Banque mondiale ont souvent entraîné des réductions drastiques des dépenses publiques, avec des conséquences alarmantes :
• 183 milliards de dollars de coupes budgétaires prévues entre 2022 et 2026 dans 43 pays africains ;

• Dans 25 pays (dont 16 en Afrique), le service de la dette dépasse les budgets cumulés de l’éducation, de la santé et de la protection sociale ;
• En moyenne, les États africains dépensent 22 fois plus pour rembourser la dette que pour soutenir les plus vulnérables.

Les premières victimes de ce modèle sont les femmes et les filles, souvent reléguées dans l’économie informelle, réduites à des rôles de soin non rémunérés, et premières à quitter l’école lorsque l’État désinvestit.

Pour la Commission, l’austérité n’est pas une nécessité technique :

C’est un acte politique qui viole les droits fondamentaux :

•   Le droit à la santé, à l’éducation, à un revenu digne, à une vie familiale équilibrée ;
•   Les engagements du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) ;
•   La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, qui impose aux États de garantir la dignité humaine.

« Ce n’est pas seulement une question économique. C’est une injustice. Une forme de violence. Une atteinte au droit de vivre. » – extrait du rapport de la Commission

En 2024, plus de 28 pays africains étaient encore sous la tutelle de programmes d’ajustement du FMI, malgré les échecs reconnus :
• Gel des embauches dans le secteur public ;
• Privatisations massives ;
• Hausse des taxes sur les biens de première nécessité.

« On appelle ça “réformes”. Mais pour nous, ce sont des cicatrices. », Gabriella Bissia

La Commission d’enquête appelle à des mesures claires :

✅ Mettre fin immédiatement aux politiques d’austérité ;
✅ Rejeter les conditionnalités néolibérales ;
✅ Reconnaître les torts causés, en particulier aux femmes ;
✅ Mettre en place des mécanismes de réparation et de justice sociale ;
✅ Impliquer la société civile dans toutes les politiques budgétaires.

En brisant le silence, Gabriella Bissia a ouvert la voie à des milliers d’histoires similaires sur le continent.

Des récits souvent étouffés derrière des tableaux macroéconomiques sans visages ni larmes.

« Si je parle aujourd’hui, ce n’est pas pour moi. C’est pour les générations à venir. Pour que plus jamais une femme ne perde son enfant à cause d’un prêt signé à l’étranger. »

José Baituambo

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