Lilongwe 2025 : une commission d’enquête populaire s’ouvre pour juger les ravages de la dette en Afrique
C’est une première sur le continent africain. À Lilongwe, capitale du Malawi, s’est ouverte une Commission d’enquête populaire sur les impacts des politiques de dette imposées aux pays africains par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale.
Pendant deux jours, cette Commission entendra des témoins, des experts, des juristes, des parlementaires, des journalistes et des victimes venues de toute l’Afrique. Son objectif : documenter les conséquences humaines, économiques et démocratiques de la dette, et exiger un changement de paradigme.
Organisée à l’initiative de l’African Forum and Network on Debt and Development (AFRODAD), avec le soutien d’organisations partenaires, cette commission d’enquête est une réponse directe au silence des instances officielles internationales.
« L’Afrique doit reprendre la parole sur sa dette », a lancé Jason Braganza, directeur exécutif d’Afrodad, dans un discours d’ouverture par visioconférence. « La dette n’est pas seulement un problème comptable. Elle est une crise politique, une crise morale, une crise humaine. »
Dès la première journée, les interventions ont alterné prises de parole politiques, analyses économiques et témoignages de victimes, pour dresser un portrait sans concession des ravages de l’endettement structurel :
• Fermeture d’écoles et de centres de santé,
• Retards de salaires pour les fonctionnaires,
• Austerité imposée sans débat démocratique,
• Privatisations massives sans évaluation des conséquences sociales.
Certaines interventions ont provoqué l’émotion dans la salle, comme celle d’une journaliste congolaise racontant la mort de son père dans un hôpital public sans médecins, ou celle d’un enseignant malawite contraint d’abandonner son poste après 15 mois sans paie.
« Ce que nous faisons ici, c’est construire une mémoire collective. Une vérité des peuples. Parce que les statistiques ne pleurent pas. Les peuples, eux, saignent. » témoignage d’un participant venu du Zimbabwe.
Contrairement à une cour de justice officielle, cette Commission n’a pas de pouvoir juridictionnel, mais elle détient un pouvoir moral immense : celui de faire entendre les voix étouffées, et de pointer les responsabilités structurelles.
Elle pose une question centrale : à qui profite la dette, et qui en paie le prix ?
Elle entend démontrer que :
• La dette africaine n’est pas toujours légitime ni équitable,
• Les institutions de Bretton Woods ont imposé des conditionnalités destructrices,
• Et que les peuples africains ont été exclus des choix qui engagent leur avenir.
Au-delà de l’acte symbolique, cette commission vise à :
✅ Créer un espace de mobilisation citoyenne contre l’austérité,
✅ Porter la revendication d’annulation des dettes illégitimes,
✅ Réclamer une refonte des règles du système financier mondial,
✅ Et surtout, faire naître un nouvel imaginaire panafricain basé sur la souveraineté économique, la justice fiscale et les droits humains.
Elle s’inscrit dans l’héritage des luttes panafricaines, dans la continuité des idéaux de Thomas Sankara, Patrice Lumumba, et Kwame Nkrumah, qui ont refusé de soumettre le destin africain aux diktats extérieurs.
Cette Commission populaire est une affirmation puissante :
L’Afrique n’est pas seulement une victime silencieuse du système de la dette. Elle est aussi une force de contestation, de proposition et de résistance.
« Nous ne sommes pas ici pour mendier des allègements. Nous sommes ici pour exiger des réparations, une réforme globale, et la fin du système d’endettement comme outil de domination », a résumé une représentante de TrustAfrica.
Alors que plusieurs pays africains se trouvent à nouveau au bord de la faillite, cette initiative réaffirme que les peuples ont le droit de savoir, de juger, et de se relever.
José Baituambo