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Flux financiers illicites : l’Afrique refuse de capituler

À l’issue de la 13e Conférence panafricaine, États et société civile s’unissent pour déclarer la guerre à l’évasion fiscale et réclamer une justice économique.

JOHANNESBURG, Le constat est sans appel, le message, lui, est on ne peut plus clair : l’Afrique n’est plus disposée à voir sa prospérité lui filer entre les doigts. La 13e Conférence panafricaine sur les flux financiers illicites et la fiscalité (PAC), un des grands rendez-vous de la gouvernance économique du continent, a fermé ses portes ce 10 octobre 2025 sur un appel à l’action, sans concession.

Organisée par le réseau Tax Justice Network Africa (TJNA), un think tank influent qui milite pour la transparence financière, la conférence a servi de caisse de résonance à une urgence : la saignée ne s’est pas tarie. « Le rapport Mbeki, il y a dix ans, évaluait les flux illicites à 50 milliards de dollars par an. Aujourd’hui, les estimations frôlent les 89 milliards. C’est une course que nous sommes en train de perdre, mais que nous n’avons pas le droit d’abandonner », a lancé d’entrée de jeu Chenai Mukumba, la directrice exécutive du TJNA, dressant un tableau sévère mais combatif.

Derrière les discours techniques sur la fiscalité, c’est un enjeu de souveraineté qui se joue. Ces flux, alimentés par la corruption, l’évasion fiscale des multinationales et les trafics, privent les États des ressources vitales pour les hôpitaux, les écoles ou les infrastructures. « Quand une multinationale abuse des prix de transfert pour ne pas payer d’impôts ici, elle vole directement dans le portefeuille de chaque citoyen », assène un délégué ougandais.

Face à ce défi, la conférence de Johannesburg a voulu passer de la dénonciation à la proposition.

Parmi les outils présentés, le « Policy Tracker anti-FFI » a fait figure de petite révolution. Cette plateforme, développée par des experts africains, doit permettre de surveiller en temps réel la mise en œuvre des politiques contre les flux illicites. « C’est un projecteur que nous braquons sur les promesses. Personne ne pourra plus dire qu’il ne savait pas », se félicite un responsable de la Commission de l’Union africaine.

Les recommandations des déléguées sont sans équivoque :

· Digitaliser en urgence les administrations fiscales pour traquer l’argent.
· S’unir pour ne plus faire jeu facile : coopération transfrontalière renforcée et registres publics des bénéficiaires effectifs.
· Porter une voix commune sur la scène internationale pour exiger une réforme en profondeur de l’architecture fiscale mondiale, jugée profondément inéquitable.

La fracture Nord-Sud dans le viseur ; le sujet est épineux. Les règles fiscales internationales sont encore largement dictées par l’OCDE, un club de pays riches. « On ne peut pas demander au renard de redessiner le poulailler », a ironisé un expert, résumant un sentiment largement partagé. La conférence a plébiscité l’alternative portée par l’ONU, vue comme une enceinte plus légitime pour défendre les intérêts du Sud.

La force de cet événement aura été de rassembler, dans la même salle, des ministres, des parlementaires, des fiscs nationaux, des ONG et des médias. « C’est cette alliance entre les acteurs officiels et le contre-pouvoir de la société civile qui fera bouger les lignes », a souligné Jean Mballa Mballa, au nom du TJNA, en clôturant les travaux.

Le Tax Justice Network Africa (TJNA), également connu sous le nom de Réseau pour la Justice Fiscale en Afrique (RJFA), est l’organisation panafricaine qui a porté l’initiative de cette conférence. Fondé en 2007 et siégeant à Nairobi, le TJNA est un réseau régional de la société civile qui rassemble des think tanks, des syndicats, des groupes féministes et des organisations confessionnelles répartis dans 26 pays africains. Il est membre de l’Alliance Mondiale pour la Justice Fiscale (GATJ), une coalition mondiale dont il est un pilier majeur. La vision du TJNA est de construire une « Afrique juste, prospère, autonome et intégrée » où la justice fiscale contribue à un développement équitable et durable. Le réseau est actuellement dirigé par Chenai Mukumba, qui a été nommée Directrice Exécutive en août 2023. Forte de plus de 15 ans d’expérience dans le secteur à but non lucratif, elle incarne la relève et l’expertise technique, poursuivant actuellement un master en fiscalité à l’Université d’Oxford. Le travail de plaidoyer du TJNA s’articule autour de quatre thèmes principaux : l’architecture financière internationale, l’investissement, la gouvernance des ressources naturelles et une fiscalité juste et équitable. Son action vise spécifiquement à promouvoir des systèmes fiscaux socialement justes et progressifs en Afrique, à plaider pour des politiques fiscales favorables aux pauvres et à renforcer la mobilisation des ressources intérieures pour mettre un terme aux pratiques fiscales dommageables qui privent le continent de ses richesses.

José Baituambo

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