Madagascar : Une transformation fiscale réussie qui inspire
La Direction Générale des Impôts (DGI) montre comment innovation et proximité peuvent renforcer la culture fiscale
Et si la clé pour renforcer les systèmes fiscaux en Afrique résidait dans une communication efficace et inclusive ? La Direction Générale des Impôts (DGI) de Madagascar a réussi une transformation remarquable en quelques années seulement. Face à une base fiscale restreinte et à une méfiance généralisée des citoyens, elle a mis en place une stratégie globale alliant proximité, innovation numérique et simplification administrative. Aujourd’hui, avec un million d’assujettis et une relation renforcée avec les contribuables, Madagascar offre un modèle inspirant pour les administrations fiscales africaines.
Présentée lors de l’Atelier d’échange entre chargés de communication des administrations fiscales africaines et journalistes spécialistes de la fiscalité du réseau ATAF (African Tax Administration Forum) à Ouagadougou, cette approche pourrait servir de modèle pour d’autres pays africains confrontés à des défis similaires.


Les défis de départ : Une base fiscale restreinte et des citoyens méfiants
Avant la mise en œuvre de sa nouvelle stratégie, la DGI de Madagascar faisait face à des défis majeurs :
– Une base fiscale limitée, due à la méconnaissance des obligations fiscales.
– Un manque de confiance envers l’administration, perçue comme distante et complexe.
– Des démarches administratives longues et fastidieuses, décourageant la formalisation des contribuables.
Pour y remédier, la DGI a décidé d’adopter une approche centrée sur les besoins des citoyens, en rendant les services fiscaux plus accessibles et en instaurant un climat de confiance.
Une stratégie de communication tous azimuts
Pour toucher un maximum de contribuables, la DGI a déployé une campagne à plusieurs niveaux :
– La fiscalité de proximité : Des équipes se sont rendues sur les marchés communaux et autres points de commerce pour éduquer les commerçants sur leurs obligations fiscales.
– Un réseau de référents en communication : Chaque direction centrale et régionale a été dotée de responsables chargés de relayer les informations, renforçant ainsi la portée des messages.
– Des partenariats stratégiques : La DGI a collaboré avec des banques, des ONG, des associations agricoles et des opérateurs de téléphonie pour promouvoir la formalisation via des messages SMS ciblés.

Cette approche multi-niveaux a permis d’améliorer la visibilité de la DGI et d’instaurer un dialogue constructif avec les citoyens.
L’initiative ANJARA Hetrako : Un levier puissant pour mobiliser les citoyens
L’initiative « ANJARA Hetrako » (ma part d’impôt, ma contribution) a été au cœur de cette transformation. Elle reposait sur trois piliers :
– La Simplification des démarches : Les contribuables n’avaient besoin que de trois documents pour s’enregistrer (carte d’identité, certificat de résidence et paiement de l’impôt minimal par mobile banking).
– L’Immatriculation immédiate : Une carte fiscale était délivrée sur place, réduisant les délais et les frustrations.
– L’Éducation et la sensibilisation : Les agents de la DGI ont profité des rencontres sur le terrain pour expliquer les avantages de la formalisation, comme l’accès à des services financiers et des opportunités commerciales, la notion de crédibilité mais surtout la contribution au développement.
Ces efforts ont permis d’enregistrer des milliers de nouveaux contribuables en un temps record.
Le numérique au service de la sensibilisation
La DGI a également tiré parti du numérique pour renforcer sa communication :
– Séries vidéo éducatives : « HAINAO VE ? » (sais-tu que ?) et « HOY I ZAKAIOSY » (Zachée a dit) ont permis de vulgariser les droits et obligations des contribuables.
– Quizz et animations sur les réseaux sociaux : Des campagnes interactives comme « ANKAMANTATRA » (devinette) ont encouragé la participation des citoyens tout en les informant sur leurs responsabilités fiscales.
– Mailings ciblés : Les groupements d’entreprises et associations ont été informés de chaque réforme que cela concerne les dispositions légales ou les démarches fiscales.
Ces outils numériques ont non seulement facilité l’accès à l’information, mais aussi renforcé la transparence de l’administration.
Surmonter les défis pour maximiser l’impact
La mise en œuvre de cette stratégie n’a pas été sans difficultés. Parmi les défis rencontrés :
– Le timing serré des campagnes : Résolu par une planification plus rigoureuse.
– La coordination interministérielle : La collaboration avec l’Institut National des Statistiques a été proposée.
– Les coûts de diffusion médiatique : Une renégociation des partenariats avec les médias publics permettra de réduire les dépenses.
Des résultats concrets pour Madagascar
Les résultats de cette stratégie sont impressionnants :
– 44 758 contribuables enregistrés lors des campagnes de proximité.
– Une augmentation des interactions sur les réseaux sociaux, avec 47 650 followers dont 95% sont localisés sur la grande île.
– Un climat de confiance renforcé entre l’administration et les citoyens.
Une inspiration pour l’Afrique
L’expérience de Madagascar offre plusieurs enseignements pour les autres pays africains :
– La proximité comme clé de la confiance : Aller vers les contribuables crée un lien direct et renforce l’adhésion.
– La simplification des démarches : Faciliter les procédures encourage la formalisation.
– La mobilisation des acteurs locaux : Impliquer les élus et les notables renforce la légitimité des campagnes.
– Le numérique comme levier : Les outils digitaux permettent de toucher un public plus large et plus jeune.
Les leçons clés pour l’Afrique
D’après Mme Imiangaly RANDRIANOMANANA, cheffe de la promotion du civisme fiscal à la DGI, plusieurs enseignements peuvent être tirés de cette expérience :
– Approche de proximité : Aller vers les citoyens plutôt que d’attendre qu’ils viennent renforce la confiance et l’engagement.
– Simplification administrative : Des démarches simples et accessibles encouragent davantage la formalisation.
– Partenariats stratégiques : Collaborer avec des autorités locales et des acteurs privés permet d’élargir la portée des campagnes.
– Utilisation des technologies modernes : Les outils numériques rendent la communication plus fluide et interactive.
La transformation de la culture fiscale à Madagascar prouve qu’une stratégie de communication innovante et inclusive peut renforcer la confiance entre les citoyens et l’administration. En combinant proximité, médias traditionnels et outils numériques, la DGI a non seulement élargi son assiette fiscale, mais aussi instauré un climat de transparence et de redevabilité. Cette réussite illustre comment des approches adaptées aux réalités locales peuvent transformer la mobilisation fiscale et la sensibilisation des citoyens. Alors que l’Afrique cherche à renforcer ses systèmes fiscaux pour financer son développement, l’exemple malgache offre une feuille de route claire et inspirante. D’autres pays du continent pourraient s’en inspirer pour relever leurs propres défis et instaurer un climat de confiance avec leurs contribuables.
José Baituambo